Titan - Le naufrage d'OceanGate
6.6
Titan - Le naufrage d'OceanGate

Documentaire de Mark Monroe (2025)

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"Ça ne respecte pas les normes ? On s'en fout !"

Il y a deux ans, je suivais malade d'angoisse les péripéties contées par les médias et les équipes de recherches, concentrées sur le submersible Titan, en partance pour le Titanic avec cinq personnes à son bord. J'ai été rendue folle furieuse par l'humour malsain d'internet autour de ceux dont on ignorait s'ils avaient survécu jusque-là, tandis que les chaînes d'information se délectaient de rappeler inlassablement le compte à rebours concernant les réserves d'oxygène. Oui, on peut rire de tout sur Internet. Mais je ne crois pas qu'une époque antérieure aurait, à ce point, utilisé les réseaux sociaux pour se foutre de la gueule de ces personnes en détresse, et peut-être déjà décédées. Je l'ai mal vécu. Et lorsqu'il fut clair que la situation était désespérée, j'ai eu moi aussi envie de comprendre ce qui s'était é pour qu'un tel désastre survienne.


Le résumé qui figure sur la page Sens Critique n'est pas forcément pertinent. En effet, le documentaire Netflix s'attache bien moins à ces jours de juin 2023 catastrophiques qu'à la descente aux enfers d'une compagnie menée par un dictateur malade de narcissisme. Or, on le sait bien ici : mater un docu Netflix, c'est un peu comme s'enfiler un McDo un soir de déprime : c'est pas hyper recommandé pour la santé, mais ça fait le taff, on pourrait mieux employer son temps, mais on apprend des trucs, et une fois à l'occasion, ça fait toujours plaisir. On apprend à en prendre et à en laisser, à hausser un peu du sourcil face à une info ou un témoignage douteux, à lever les yeux au ciel quand une mise en scène putassière en fait des caisses pour jouer la carte du "Woaaaw". Force est de constater qu'ici, Netflix a fait des progrès. On ne nage clairement pas dans le sensationnalisme. Ni dans la demi-mesure, certes.


Le documentaire s'avère en effet tout d'abord très technique, et laisse la part belle à l'ingénierie et ses représentants. Comment ils ont été recrutés, comment ils ont assisté aux techniques managériales désastreuses de Stockton Rush (vous ne trouvez pas qu'il a un pseudo improbable, à la méchant de James Bond, d'ailleurs ?), comment certains se sont accrochés jusqu'au bout pour atteindre la dernière étape du projet et comment d'autres, au contraire, ont préféré démissionner par souci d'éthique, lorsqu'ils ne se sont pas tout bonnement faits renvoyer... puis harceler. OceanGate, c'est le cliché par excellence de la corporation véreuse, ce cliché qu'on retrouve dans tout divertissement qui ne va pas chercher très loin et qui dessine une ligne très nette entre les gentils et les méchants. C'est une gestion désastreuse du pognon injecté dans une course au toujours plus. Quand Rush assume de toute façon ouvertement vouloir atteindre le niveau d'un Bezos ou d'un Musk (bien avant les aventures débiles et calamiteuses d'Elon à la Maison Blanche), on sait déjà que ça ne va pas bien se er. Lui-même ayant été un ingénieur médiocre, tournant ouvertement le dos à la rationalité scientifique au profit d'une image de marque séduisant les médias et à une foi frisant le culte sectaire, Rush ne pouvait pas conduire plus piètrement un projet d'une telle envergure.


Le manque d'expérience global de ses équipes (avec pour certains des employés à peine sortis de la fac), le manque de connaissances sur la fibre de carbone utilisée, la tentative de corruption politique ouvertement assumée avec la volonté d'acheter un sénateur américain pour contourner les législations de contrôle, le déni total devant les échecs successifs des plongées, l'égotrip profond et le plaisir ressenti à "briser des vies", quitte à y mettre 50 000$... Il n'y a pas grand-chose, dans le docu Netflix, pour sauver la réputation de Stockton Rush. Au point qu'on puisse légitimement se demander si une deuxième version de l'histoire n'en vaudrait pas la peine. Car si loin de moi l'envie de défendre ce dégénéré multimillionnaire sans foi ni loi, on sait tous aujourd'hui qu'une version unique comporte toujours des failles et des lacunes. Est-ce que réellement un type pareil peut se comporter en connard irresponsable à ce point ? Je n'ai pas vraiment envie d'y croire. Et pourtant.


Les lacunes du docu sont là : absence de contreversion, et surtout très peu de mots concernant les personnes décédées durant le voyage. Seule la fille de M. Nargeolet témoigne, quand les noms des deux victimes pakistanaises ne seront même pas prononcées à haute voix au moins une fois. Est-ce que leur famille a préféré garder le silence ? Possible. Néanmoins, on ressent un certain malaise, lorsque Rush est inlassablement cité, et que si peu de choses sont dites au sujet des personnes victimes de ce qui pourrait être un homicide involontaire (est-ce que des poursuites ont été engagées envers qui que ce soit pour ces morts, d'ailleurs ? Bien sûr que non, voyons). Après cette apothéose d'indécence tout du long, on sort du visionnage dégoûté, écœuré, blasé d'un énième rêve américain saccagé, sur fond de slogans de CEO pourris. Offrir les océans à l'humanité ? Non, merci. Commençons par leur foutre la paix aux océans, ce sera déjà pas mal. Le reste, on verra.


Un p'tit bisou à Boeing en ant, encore une fois impliqué dans une catastrophe d'envergure, après plusieurs années de crashs successifs sur leurs appareils ou liés à des problèmes techniques majeurs. Cette boîte est définitivement CURSED.

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il y a 3 jours

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SerenJager

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